La Boulangère Mini Transat demeure une épreuve à part dans l’univers de la course au large. Sur cet évènement, pas d’ordinateur, pas de liaison satellite, pas d’envoi de photos et de vidéos, pas d’échange avec la famille ou les amis. Le lien avec la terre se résume à un bulletin quotidien émis sur la radio BLU par la Direction de course pour donner la situation météo, les prévisions à 48 heures et les distances au but de chaque concurrent. Ce dispositif, à l’opposé du phénomène de l’hyper communication et de l’hyperconnexion numérique qui ne cesse de s’accroître dans notre monde d’aujourd’hui, autorise l’aventure avec un grand A.
C’est un fait, nos rythmes de vie sont effrénés. Entre le travail, les études et la vie sociale, on n’a plus vraiment le temps, justement, de prendre le temps. Le fait que l’on vive dans une société de plus en plus connectée y est certainement pour quelque chose. « Au quotidien, on est constamment sollicité. Les mails et les messages arrivent sans cesse. Lors de cette La Boulangère Mini Transat, ça va être un vrai plaisir de pouvoir faire une pause. De profiter de cette expérience d’être seul en mer pour se concentrer sur l’instant présent, avec globalement assez peu de sujets de préoccupation », assure Martin Oudet (871 – Vaincre le mélanome) qui n’aura, de fait, qu’à se concentrer sur la météo, son bateau et lui-même lors de cette traversée de l’Atlantique. « C’est un truc plutôt agréable et que l’on ne vit, aujourd’hui, finalement que dans ces moments-là », détaille le médecin urgentiste qui a, par le passé, fait l’expérience d’une mission logistique en Antarctique longue de trois mois, découvrant alors la vie en milieu hostile. « Même là, je ne me suis pas du tout retrouvé coupé du monde. On était en groupe, on avait un téléphone satellite, des informations journalières et la possibilité d’appeler nos familles une fois par semaine. La solitude était donc somme toute assez relative, même en étant si loin de la société géographiquement parlant. Ce que j’ai vécu dans ce cadre n’a réellement jamais été aussi fort que ce que l’on va vivre lors de cette course », poursuit le skipper, profondément marqué par sa participation à la Les Sables – Les Açores – Les Sables, lors de l’été 2022.
Réussir à vivre à fond son aventure
« Le fait de laisser mes enfants, alors vraiment petits, m’avait pas mal travaillé. J’avais mis plusieurs jours à vraiment me concentrer sur ce que j’étais en train de faire et à mettre de côté les émotions et le manque pour réussir à vivre l’expérience de la manière la plus intense possible », détaille Martin, père de trois enfants, dont un bébé de six mois, qui a donc œuvré pour vivre les choses de manière différente cette fois-ci, en choisissant notamment d’impliquer les membres de sa famille au maximum dans son aventure. « Ils viendront me rejoindre à l’arrivée en Guadeloupe et nous avons installé de grandes cartes à la maison afin qu’ils puissent me suivre », relate le marin qui fait partie de ceux qui ne redoutent pas la solitude mais qui, au contraire, pensent que la solitude productive est une nécessité. « C’est un sujet personnel. Il est souvent controversé car tout dépend du tempérament de chacun. Lorsque l’on est seul en mer et que ça devient dur, on se questionne sur ses motivations et on peut finir par se poser la question de savoir ce que l’on fait là. Pour ma part, je sais cette La Boulangère Mini Transat va être un vrai test de mes capacités physiques, mais aussi et surtout mentales », explique de son côté Jérôme Merker (857 Ensemble contre le cancer de l’enfant), conseiller économique dans le domaine des finances publiques au Luxembourg, qui fait indiscutablement partie de la génération des hyperconnectés. Ceux qui maîtrisent à la perfection Internet et les nouvelles technologies à l’image de Sasha Lanièce (1053 – Dagard) ou de Caroline Boule qui comptent, elles, parmi les concurrents de cette 54e édition les plus actifs sur les réseaux sociaux.
Se retrouver et se recentrer
« On pourrait penser qu’au large, le fait d’être privés de ces outils puisse générer un manque. C’est pourtant tout l’inverse », assure la skipper du 1067 – Nicomatic qui se réjouit de se retrouver seule sur son petit bateau, sans aucun moyen de communication. « A terre, nos téléphones sonnent en permanence. En mer, on a nos moments à nous, en interaction la plus complète avec la nature. De nos jours, c’est un luxe même si, je l’avoue, en étant d’une nature assez sociale, je risque d’arriver en ayant très envie de discuter, comme après mes six jours de qualification ! », plaisante la navigatrice. Même son de cloche ou presque du côté de François Letissier (427 – Birvidik). « Pour ma part, je ne suis pas du tout accro aux réseaux sociaux. Je possède seulement un compte Facebook que j’ai ouvert pour suivre la course de Julien (son fils, ndlr) en 2019. Je suis, et depuis toujours, assez difficilement joignable, même avec mon téléphone portable. Je m’abstreints à regarder mes mails une fois par jour sinon je n’y pense même pas. Partir en solo au large ne représente donc pas une grosse transition pour moi », raconte le doyen de l’épreuve qui apprécie spécialement cet aspect de la course qui peut en effrayer certains. « La solitude en mer ne m’a jamais pesé. Elle permet de lever beaucoup de contraintes, en l’occurrence celles que l’on se met pour faire plaisir aux autres », souligne l’Essonnien qui apprécie le temps passé seul pour réfléchir, se ressourcer et se concentrer sur lui-même. « Chez moi, j’adore me détendre dans le canapé en écoutant de la musique classique. En mer, je veux du calme absolu. Je veux pouvoir écouter la mer et mon bateau », termine le marin, convaincu que le bonheur, certes, se partage, mais se vit avant tout !