Mini Transat

Nous vous écrivons à nouveau depuis le large, à quelques 800 milles de l’arrivée, dans ces alizés que nous aimons tant. En effet, après un début de course éreintant pour les skippers (conditions météorologiques compliquées, houle et mer croisée très difficile pour les marins et les bateaux), les vents portants habituels se sont bien installés et chacun glisse vers l’ouest. Bien que ce flux d’est souffle de manière plutôt régulière en force et en direction, la navigation est loin d’être de tous repos pour les compétiteurs. Houle formée, grains et orages nocturnes montant parfois jusqu’à 40 nœuds, la vigilance est importante sur ces derniers jours de régate au large. Observant l’avancée des skippers depuis la table à carte de CiCadA, nous attendons, toutes les quatre heures, les fichiers positions Adrena, avec impatience. Les Ministes se livrent une bataille extraordinaire, tous voulant aller plus vite que les copains d’à côté, ils ne lâchent rien. Après une première semaine où nous avons eu la chance de beaucoup communiquer par VHF, désormais, les écarts se creusent.

Malgré cela nous avons pu recevoir des nouvelles de notre ami Vénézuélien Diego Hervella, victime, jeudi dernier, d’une avarie de safran tribord. Une semaine après notre dernier contact, nous nous retrouvons à nouveau, au milieu de l’Atlantique. Quel sentiment incroyable de croiser un copain ici, comme cela ! Il a la forme, malgré la déception de devoir naviguer en mode « dégradé », il garde le moral. Il nous gratifie d’une petite chanson, nous lui donnons de nos nouvelles, rigolons ensemble… Il nous dit se sentir heureux d’être là, il embrasse sa sirène, ses enfants et son papa, qui j’en suis sûr, seront très heureux de pouvoir avoir de ses nouvelles.

 

Hier, nous croisons la route de Antoine De Vallavieille. Il va mieux. Après avoir déchiré son petit spi dans les premiers jours de course alors qu’il avait pris l’option sud, il dit avoir beaucoup perdu. Le moral dans les chaussettes des trois-quatre premiers jours, laisse désormais place à un sentiment de combativité. Il fait maintenant route sous grand spi, il barre beaucoup, de jour comme de nuit, afin de grappiller quelques places. Message très touchant de sa part, il nous dit vouloir se battre. Nous faisons route quelques heures, bord à bord avec lui. Quel spectacle de voir ce petit bateau, magnifique grand spi dehors, surfant sur cette grande houle.

Enfin, nous communiquons avec Romain Gautreau. Il a une très bonne voix, il est content de pouvoir communiquer enfin avec quelqu’un. Il a malheureusement perdu son petit panneau solaire supplémentaire et tourne désormais sur ses deux panneaux fixes. Il barre énormément afin de pouvoir économiser son énergie de bord. Il évoque une course qui restera la chose la plus difficile qu’il ait pu faire dans sa vie, je l’entends sourire en me parlant. Romain est heureux de faire partie de cette compétition incroyable et souhaite faire un gros bisou à sa femme ainsi qu’à sa fille, auxquelles il pense beaucoup.

Alors que les premiers concurrents semblent proches des Antilles, CiCadA et nous naviguons actuellement au sud de la flotte, dans un vent réel établit entre 15 et 18 nœuds d’est, sur une mer qui reste maniable. Nous essaierons de vous donner des nouvelles du large sur ces derniers jours, dénouement qui s’annonce épique, tant en tête de course qu’au milieu de flotte, aucun de ces skippers ne voulant lâcher le moindre mille aux petits copains. Rendez-vous très bientôt à Saint-François, en Guadeloupe.

Pierre Dutilleux.